Abri sous roche de la Grande Rivoire à Sassenage
ABRI SOUS ROCHE DE LA GRANDE RIVOIRE À SASSENAGE (ISÈRE) : des derniers chasseurs aux premiers paysans de la Préhistoire
L’abri sous roche de la Grande Rivoire, encore en cours de fouilles, est situé dans le Vercors septentrional, sur le versant ouest de la vallée du Furon, à 580 m d’altitude. Il s’ouvre au pied d’une barre rocheuse de calcaire sénonien. Son remplissage sédimentaire renferme, sur plus de 5 mètres d’épaisseur, une succession d’occupations humaines couvrant 10 000 ans d’histoire, depuis l’époque des derniers chasseurs-cueilleurs de la Préhistoire jusqu’aux premiers siècles de notre ère. Unique dans les Alpes du Nord ce site est exceptionnel pour la qualité et la quantité des vestiges archéologiques.
Le Mésolithique
Dans les couches les plus anciennes et les plus profondes, un riche matériel archéologique et d’abondants restes de foyers attestent que les chasseurs-cueilleurs du Mésolithique (8000-5500 av. J.-C.) ont utilisé l’abri à plusieurs reprises, comme halte de chasse ou camp de base. L’outillage en silex comporte essentiellement des lamelles servant à fabriquer de petites armatures de flèche de formes géométriques. De restes osseux indiquent une exploitation optimale des biotopes environnants : plaine de l’Isère (tortue, castor), versants boisés (sanglier, cerf, chevreuil), zones ouvertes d’altitude (chamois, bouquetin).
La transition du Mésolithique au Néolithique
Le passage du Mésolithique au Néolithique correspond à l’apparition des sociétés humaines ayant un mode de subsistance basé non plus seulement sur la chasse et la cueillette, mais également sur l’élevage et l’agriculture. Plusieurs occupations de la Grande Rivoire, datées entre 5500 et 5000 av. J.-C., renvoient à ce moment charnière de l’histoire de l’humanité. Il est encore marqué par une tradition mésolithique autochtone, mais certains éléments caractéristiques des communautés néolithiques, installées depuis peu dans le midi de la France, apparaissent : nouveaux outils en silex et premiers animaux domestiques.
Le Néolithique
Le Néolithique, présentant toutes les composantes des sociétés agro-pastorales, se développe sur le site à partir de 5000 av. J.-C. Les couches attribuées au Néolithique ancien « épicardial », datées vers 5000-4500 av. J.-C., livrent de nombreux foyers, des restes d’animaux sauvages et domestiques, ainsi que divers objets d’affinité méridionale, comme des poteries décorées de sillons, des armatures de flèche triangulaires et des meules en granite.
Pour le Néolithique moyen et final, soit la période 4500-2200 av. J.-C., le site présente, sur une épaisseur de plus d’un mètre, une importante accumulation de fumiers de bergerie. Ces derniers ont été périodiquement brûlés, probablement dans un but d’assainissement combiné à un besoin de réduction du volume des dépôts. Il en résulte une alternance rythmée de fines couches cendreuses et de lits organiques, témoignant d’une importante activité pastorale principalement orientée vers les caprinés (mouton et chèvre). Le matériel archéologique découvert dans ces fumiers est fréquemment brûlé. Il comprend des céramiques ainsi que des outils en os, en silex ou en pierre polie.
Les âges des Métaux
Les couches de l’âge du Bronze (2200-800 av. J.-C.) et de l’âge du Fer (800-50 av. J.-C.) livrent de nombreux foyers, parfois remplis de pierres de chauffe, ainsi que des vestiges céramiques, lithiques, osseux et métalliques. Signalons la découverte, pour le Bronze final, d’une perle en verre bleu probablement importée d’Italie du Nord et, pour la fin de l’âge du Fer, de fragments carbonisés de coquilles de noix, premiers témoins dans la région de la fameuse « Noix de Grenoble » !
Les périodes historiques
De rares foyers et quelques objets attestent une présence humaine sporadique durant les périodes historiques. Une occupation gallo-romaine se démarque plus nettement des autres par la présence d’une importante structure de combustion, construite à l’aide de gros blocs de calcaire. Le matériel qui lui est associé comprend des céramiques, grossières ou sigillées, attribuées au 1er siècle après J.-C., ainsi que plusieurs clous en fer évoquant des activités de cordonnerie ou de bourrellerie.
Pierre Bintz d’après P.-Y. Nicod et R. Picavet